Discours

Discours du Premier ministre devant l’Assemblée générale des Nations Unies

Discours en séance plénière de l'AGNU79 Septembre 2024

Monsieur le Président,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
 
Alors que les dirigeants du monde entier se réunissent aux Nations unies cette semaine, ils ne devraient partager qu'une seule ambition : trouver une issue aux conflits qui sévissent au Soudan, au Moyen-Orient, en Ukraine et dans de trop nombreuses autres régions. 
 
Ces conflits font rage près de nos maisons et de nos villes, plongeant des familles et sociétés entières dans la guerre, la famine et de terribles tragédies. 
 
En regardant en arrière, nous pouvons tirer des leçons de l'Histoire.  
 
Peu après avoir mis au point la première bombe à hydrogène soviétique en 1955, Andreï Sakharov a été bouleversé par la course aux armements nucléaires et la doctrine soviétique.
 
Parce qu’à ses yeux, les droits humains et la dignité humaine étaient une nécessité absolue, une condition préalable, non seulement pour garantir la sécurité nucléaire, mais aussi pour prévenir la guerre. 
 
Cette lutte pour les droits humains est devenue son combat à l’échelle internationale, ce qui lui a valu le prix Nobel de la paix vingt ans plus tard. 
 
Dans ses remarques, le comité Nobel dit de Sakharov qu’il « s'est battu contre l'abus de pouvoir et toutes les formes de violation de la dignité humaine ». 
 
Dans le monde d'aujourd'hui, il est essentiel de se souvenir de l'héritage de Sakharov. 
 
Partout, la dignité humaine et l'État de droit sont en recul, quand ils n’ont pas disparu. 
 
Et là où le respect de la vie humaine et la promesse de l'État de droit s'estompent, la menace de conflits armés pèse.
 
L'Histoire ne se répète peut-être pas, mais les similitudes sont indéniables. 
 
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Au Moyen-Orient, des décennies de déshumanisation de l'ennemi ont conduit à un cercle vicieux de violence, qui a entraîné la mort de plus de 40 000 personnes en moins d'un an. 
 
Ce conflit, provoqué par l'homme, s'est avéré être l'un des plus meurtriers depuis des décennies. 
 
Il n'a pas été déclenché par l'horrible attaque terroriste contre Israël, qui a tué plus de 1 400 citoyens israéliens, il y a près d'un an. 
 
Mais le 7 octobre, la Belgique a immédiatement reconnu le droit d'Israël à se défendre et a appelé à la libération inconditionnelle de tous les otages. 
 
Dès le début de la guerre à Gaza, mon gouvernement a mis en garde contre le manque de respect du droit international humanitaire dans les deux camps, et contre les attaques disproportionnées au mépris flagrant de la vie des civils palestiniens. 
 
Près d'un an plus tard, nous devons malheureusement reconnaître que les extrêmes des deux camps mènent toujours la danse.
 
Les fanatiques croient que la puissance militaire peut mettre fin à ce conflit. C'est une illusion. 
 
Pour bâtir la paix, nous avons besoin d'une véritable feuille de route, de courage politique et non de simples tactiques pour rester au pouvoir un jour de plus. 
 
Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat et durable depuis de nombreux mois, mais cette perspective semble plus éloignée que jamais.
 
Les hostilités doivent cesser avant que toute la région ne s’embrase. 
 
Les actes sont plus éloquents que les paroles. 
 
La Belgique a imposé un embargo sur les armes. 
 
Nous n'avons jamais cessé de soutenir l'UNRWA et d'autres organisations humanitaires. 
 
Avec l'UE, nous avons imposé des sanctions au Hamas, mais aussi aux colons extrémistes et aux organisations de colons. 
 
Chaque vie innocente perdue à Gaza et chaque découverte d'un otage décédé nous donnent l’impression que les perspectives d'une paix future s’éloignent de jour en jour. Aujourd'hui, Gaza est en ruine. Plus de 15 000 personnes ont besoin de prothèses parce qu'elles ont perdu un membre. 10 000 de ces victimes sont des enfants. Où est passée la dignité humaine?  
 
Il existe pourtant une solution. 
 
Je suis convaincu qu'elle commence par la reconnaissance du droit à l'existence d'Israël et de la Palestine, sur la base des frontières de 1967.
 
Nous devrions tous dialoguer avec des dirigeants palestiniens et israéliens qui reconnaissent ces droits et qui s'opposent à la fois à l'antisémitisme et à l'anti-palestinisme.
 
C’est la seule façon de s’engager de façon viable sur la voie d’une solution à deux États
 
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Monsieur le Président, 
Chers collègues
 
Cela fait maintenant près de deux ans que Vladimir Poutine mène sa guerre en Europe. 
 
Et la vérité est simple : 
 
Il peut mettre fin dès maintenant à l'invasion illégale et non provoquée de l'Ukraine. 
 
Les conséquences de sa folie ont été et sont toujours dévastatrices pour le peuple ukrainien. 
 
Un seul homme peut mettre fin au massacre de milliers de civils. 
 
Il peut mettre fin à la violence continue contre la population ukrainienne dont il a mis l'avenir en suspens. 
 
Lui seul peut mettre fin aux bombardements, aux attaques aveugles contre les ponts, les routes et les infrastructures énergétiques, les hôpitaux, les écoles et les maisons. 
 
Plusieurs enquêtes internationales indépendantes ont établi l'existence d'une brutalité généralisée et inquiétante. 
 
Aucun d'entre nous ne peut et ne doit fermer les yeux. 
 
Au cours de l'année écoulée, le fonds belge pour l'Ukraine a dépensé 1,7 milliard d'euros pour l'équipement militaire, l'aide humanitaire et la reconstruction des régions ukrainiennes les plus durement touchées.
 
L'agence belge de développement aide l'Ukraine à se relever et à se préparer à rejoindre l'Union européenne. 
 
La population ukrainienne sera bientôt confrontée à un nouvel hiver des plus rudes. 
 
C'est pourquoi nous assurons l'approvisionnement en énergie de centaines d'hôpitaux pour l'hiver. 
 
Ces deux dernières années, nous avons souvent entendu les mots « aussi longtemps qu'il le faudra ». 
 
Nous ne prenons pas cette promesse à la légère. 
 
Alors que les Russes continuent de bombarder les villes, l'appel de l'Ukraine à renforcer sa défense aérienne relève de l’autoprotection. 
 
Comment ce pays pourrait-il assurer la sécurité de ses citoyens autrement ? 
 
La constitution d'une solide force ukrainienne de F-16 fait partie intégrante de notre soutien. 
 
Nous transférerons tous nos avions de combat au fur et à mesure qu'ils quitteront l'armée de l'air belge. 
 
Au total, l’Ukraine en recevra au moins 30 dans les années à venir.
 
Nous voulons contribuer à la protection du peuple ukrainien. L'agresseur ne peut pas gagner. 
 
C'est pourquoi nous soutenons fermement l'Ukraine. 
 
Pour tous ceux qui aspirent à la paix, celle-ci ne sera possible que lorsque nous forcerons le président Poutine à mettre fin à son agression contre l'Ukraine. 
 
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Mesdames et Messieurs,
 
Il est clair que nous vivons dans un monde polarisé et profondément divisé.
 
Ce constat pourrait nous amener à croire que le multilatéralisme a échoué à tous les niveaux. Ce serait une erreur.
 
Il y a un an, un traité qui protège la biodiversité en haute mer (BBNJ) a été adopté.
 
Cette initiative collective prouve qu’il est encore possible d’être unis face à l’urgence climatique et environnementale.
 
La réponse mondiale au MPOX et la réaction du CDC (centre de contrôle et de prévention des maladies) africain à l’épidémie sont un autre exemple de progrès. 
 
L’UE et la Belgique ont investi de manière significative dans la production et l’accès aux vaccins en Afrique.
 
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Nous avons besoin de plus de solidarité et de coopération.
 
Ces mots peuvent paraître idéalistes et naïfs.
 
Mais nous ne pouvons relever les défis communs qu’en travaillant ensemble.
 
Partout dans le monde, les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient.
 
La semaine dernière encore, de fortes pluies ont provoqué des inondations dans de vastes régions d’Europe de l’Est et d’Europe centrale.
 
Notre planète et toutes les formes de vie qui s’y trouvent sont confrontées à d’énormes défis.
 
Ce n’est cependant pas le moment de désespérer ni de revoir nos ambitions à la baisse.
 
Bien au contraire.
 
L’ingéniosité humaine, la concurrence durable et les changement de comportements bien ancrés peuvent atténuer les effets du changement climatique et nous aider à nous adapter.
 
Nous avons redoublé d’efforts afin de relever encore nos ambitions en matière de climat et des océans.
 
Nous sommes prêts à travailler avec nos partenaires, en particulier dans les pays d’Afrique les plus vulnérables, en leur fournissant des financements et en renforçant leurs capacités.
 
Cet automne, la COP sur la biodiversité à Cali et la COP sur le climat à Bakou seront à nouveau des moments clés pour l’avenir des populations et de la planète.
 
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Au fil des années, les discours sur la prévention des conflits, la consolidation et le maintien de la paix se sont multipliés. 
 
Malheureusement, cela n'a pas empêché les conflits de devenir plus nombreux, plus meurtriers et plus longs. 
 
Le nombre de travailleurs humanitaires tués a atteint des records. 
 
Le nombre de réfugiés ne cesse de croître d’année en année. 
 
Notre humanité commune semble traverser une crise profonde.  
 
Ce qui me ramène à l’héritage d’Andreï Sakharov. 
 
Là où les droits humains et la dignité humaine disparaissent, les conflits se multiplient et ce sont les plus vulnérables qui en font les frais. 
 
Un nouveau départ, esquissé par le Pacte pour l'avenir, doit donc commencer par notre réengagement en faveur de la Charte des Nations unies, de l'État de droit et du respect de la dignité humaine. 
 
Je vous remercie de votre attention.